La détresse étudiante

Par Pascale Voyer-Perron
L'anxiété et la dépression, Téléconsultation
20 février 2021

Quand étudier rime avec précarité mentale

Le 12 janvier dernier, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) déposait son rapport suite à un sondage concernant la santé psychologique chez les adultes québécois1. Les participant.e.s ont été questionné.e.s sur leur détresse psychologique, leur perception de leur santé mentale, leurs symptômes d’anxiété et leur bien-être émotionnel. Les résultats permettent de voir l’évolution de ces indicateurs au cours des derniers mois, depuis le début de la pandémie. Le bilan le plus inquiétant est celui des jeunes adultes de 18 à 24 ans et ceux aux études à temps complet2. Dans cet article, je vous propose de survoler l’historique de la détresse des étudiant.e.s universitaires, parce que spoiler alert, ce n’est pas un phénomène nouveau au Québec. Des ressources sont également disponibles à la fin de l’article si vous avez besoin d’aide ou de soutien.

Que veut-on dire par détresse psychologique?

Avant de se lancer plus en profondeur sur le sujet, je vous propose de définir quelques concepts en lien avec la santé psychologique. La notion qui nous intéresse principalement ici est la détresse psychologique, qui est un ensemble de symptômes et d’expériences internes vécus comme troublants, malaisant ou hors de l’ordinaire3. En état de détresse, on peut avoir de la difficulté à se concentrer, avoir des palpitations ou être irritable. De dire qu’on est en détresse, on pourrait dire en d’autres mots qu’on est à bout, qu’on n’est plus capable ou qu’on est dépassé.

young ethnic male with laptop screaming
Photo by Andrea Piacquadio on Pexels.com

Est-ce que la détresse psychologique chez les étudiant.e.s universitaires est nouvelle?

Non. Si on recule en 2018, l’Union étudiante du Québec (UEQ) déposait les résultats de son enquête panquébécoise sur la santé psychologique des étudiant.e.s universitaires, aussi appelée Sous ta façade4. Les indicateurs évalués étaient la détresse psychologique, les symptômes dépressifs, l’épuisement émotionnel et les comportements suicidaires. Le constat était inquiétant :

  • 58% des étudiant.e.s ont un niveau élevé de détresse psychologique.
  • 19% des étudiant.e.s ont un niveau modérément sévère à sévère de symptômes dépressifs.
  • 9% des étudiant.e.s ont pensé sérieusement au suicide.
  • En comparaison avec le reste de la population québécoise, les étudiant.e.s universitaires ont généralement des résultats plus élevés concernant la détresse psychologique, les symptômes dépressifs, l’épuisement émotionnel et les comportements suicidaires.

 

Le facteur prédictif le plus fort à l’ensemble des indicateurs évalués est le sentiment de solitude, peu importe le cycle d’études des étudiant.e.s. Cela signifie qu’un grand sentiment de solitude chez un.e étudiant.e augmente sa probabilité de vivre les difficultés psychologiques nommées ci-haut. Aussi, cela signifie que le sentiment de solitude est le facteur prédicteur commun à toutes les difficultés évaluées par l’enquête. Il s’agit ici que de quelques résultats de Sous ta façade. D’autres facteurs ont aussi été relevés, ainsi que des recommandations ont été émises pour agir contre cette situation problématique.

Et en ce moment, dans quelle situation se trouvent les étudiant.e.s universitaires?

Comme mentionné plus tôt, le portrait psychologique chez les étudiant.e.s et les jeunes adultes de 18 à 25 ans sont les groupes qui se démarquent quant à leur niveau élevé de détresse psychologique, la sévérité des symptômes anxieux vécus et la perception négative de leur santé mentale. La détresse était plus présente au printemps, au début du mois de mai, ainsi qu’au début de la rentrée scolaire à la fin du mois d’août. Cette trajectoire s’observe chez tous les groupes d’âge de la population.

Les raisons expliquant ce bilan seraient l’absence de contacts sociaux (particulièrement pour le groupe d’âge 18-24 ans) et un environnement non optimal pour la formation à distance (pour le groupe étudiant à temps complet)2. D’une part, pour l’absence de contacts sociaux, vous pouvez probablement comprendre la difficulté que cela représente, peu importe votre âge. Cependant, dans le cadre de ce sondage, la souffrance que semble engendrer l’absence de contacts sociaux est supérieure chez les jeunes adultes que chez les autres groupes d’âge. Cette situation peut mener à l’isolement social, dont les effets négatifs sur la santé mentale et physique sont largement reconnus5. D’autre part, pour l’environnement inadéquat pour la formation à distance, on peut penser que cela ajoute un stress supplémentaire. En ce sens, de multiples éléments peuvent perturber l’environnement de travail : une connexion Internet instable, l’absence de pièce tranquille où s’installer, le bruit de locataires voisins, les distractions… Bref, les étudiant.e.s sont inégaux dans les conditions dans lesquelles ceux-ci travaillent et ces conditions pourraient influencer leur santé psychologique.

Une précision technique est toutefois à faire en comparaison avec l’enquête Sous ta façade. Dans le sondage de l’INSPQ, la catégorie des étudiant.e.s à temps complet comprend des étudiant.e.s au-delà du niveau universitaire. On peut aussi y trouver des étudiant.e.s de niveau collégial, par exemple.

Que retenir de ces deux enquêtes?

Nous l’avons constaté, la détresse psychologique chez les étudiant.e.s universitaires n’est pas une situation nouvelle, induite par l’arrivée de la pandémie. Selon moi, s’il y a un élément à retenir de tout cela, c’est que la communauté étudiante représente une tranche de la population particulièrement à risque de vivre des difficultés psychologiques et la pandémie (et tout ce qu’elle entraîne!) n’a fait qu’accentuer celles-ci.

Comment améliorer son sort?

 

Malgré que le statut d’étudiant est associé à des défis psychologiques supplémentaires, on peut prendre certains moyens pour mettre toutes les chances de son côté en période d’incertitude ou d’adversité. On peut les nommer des facteurs de protection, c’est-à-dire des éléments personnels et environnementaux qui contribuent à l’adaptation.

Principalement, il y a le soutien de son réseau social qui est largement reconnu comme un élément protecteur contre l’adversité6. Cela peut comprendre la famille, les ami.e.s, les collègues de travail, un intervenant ou bref, n’importe qui! L’important est que ces personnes puissent apporter un certain soutien, donner des conseils ou donner de l’aide, par exemple. Une autre condition pour que le tout soit efficace est évidemment… d’utiliser son réseau quand on en a besoin! Si on cherche à combattre l’isolement et la solitude, il ne faut pas hésiter à se tourner vers les personnes de confiance de son réseau. Enfin, soyons indulgents envers nous même et acceptons le fait que nous serons moins productifs.

 

D’autres stratégies pour favoriser l’adaptation peuvent être de maintenir une routine, s’assurer d’avoir suffisamment de sommeil ou faire de l’activité physique régulière. Vous pouvez également identifier les activités ou les stratégies qui fonctionnent spécialement pour vous et ainsi vous aider à réduire votre stress, à vous détendre ou à faire le plein d’énergie.

Quelles ressources sont disponibles pour les étudiant.e.s universitaires?

Pour ceux qui sont dans l’écriture de leurs mémoire, thèse, etc., des communautés en ligne offrent la possibilité de rédiger avec d’autres personnes virtuellement pour vous garder motivé.e.s tel que : https://www.thesez-vous.com/virtuel.html

Un élément important est de continuer à faire des activités qui permettent de sortir de sa routine : méditation, yoga, cuisine, écriture, jeux de société avec des amis en ligne, apprendre une langue, un instrument de musique…bref, soyez imaginatif !

Avec toutes ces informations en main, peut être que vous voulez maintenant passer à l’action. Chez Clic Aide, nos intervenants sont aussi des étudiants, nous prenons donc ce sujet très au sérieux. C’est une des raisons pour laquelle nous souhaitions offrir des consultations à moindre prix (20$), toutefois nous avons conscience que cela reste une somme non négligeable pour certaines personnes, surtout dans les circonstances actuelles.

 

Aussi, si vous êtes prêt.e à chercher de l’aide pour vous ou un proche pour qui vous vous préoccupez, les prochaines lignes vous donneront d’autres ressources vers lesquelles vous pouvez vous tourner.

 

Bien sûr, comme le reste de la population, les étudiant.e.s peuvent se tourner vers les différentes ressources offertes par le système public ou des organismes communautaires. Voici quelques exemples de ressources accessibles à toute la population :

  • Info-social : 811
  • Centre de prévention du suicide de votre région : 1-866-APPELLE ou consultez leur site web pour plus de services7
  • Ordre des psychologues du Québec : trouvez un.e psychologue dans votre région
  • 211 Québec : trouvez un organisme communautaire pouvant répondre à vos besoins dans votre région au 211 ou consultez leurs sites web8

 

Les étudiant.e.s. ont aussi la possibilité de se tourner vers des ressources précisément adressées à cette clientèle. Voici quelques exemples de ressources accessibles aux membres de la communauté étudiante :

  • Alliance pour la santé étudiante au Québec (ASEQ) : Plusieurs universités sont affiliées au réseau de l’ASEQ, qui offre des couvertures d’assurance spécifiquement aux étudiant.e.s. Leur programme mieux-être permet de recevoir du soutien psychologique. Informez-vous davantage si vous y avez accès (parfois disponible même si vous n’êtes pas assuré.e par l’ASEQ, grâce à votre affiliation à une association étudiante. Ça vaut la peine de s’informer!)
  • Services de votre université : Les universités offrent généralement une forme de services psychologiques. Par exemple, il y a l’Aide à la vie étudiante et le service de psychologie à l’Université de Sherbrooke9, le Centre d’aide aux étudiants à l’Université Laval10 et les services aux étudiants à l’Université de Montréal11. Les services offerts sont variés et ils seront même en mesure de vous référer à d’autres ressources au besoin, selon votre région.

 

Pascale Voyer-Perron Étudiante au baccalauréat en psychologie à l'Université Laval

Références

 

1Consultez le rapport complet au lien suivant : https://www.inspq.qc.ca/covid-19/sondages-attitudes-comportements-quebecois/sante-mentale-janvier-2021

2https://www.lapresse.ca/actualites/sante/2021-01-14/sante-mentale/la-detresse-plus-criante-chez-les-jeunes-adultes.php

3American Psychiatric Association. (2015). DSM-5 : manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (traduit par J.-D. Guelfi et M.-A. Crocq; 5e éd.). Elsevier Masson.

4Consultez le rapport complet au lien suivant : https://unionetudiante.ca/wp-content/uploads/2019/11/Rapport-UEQ-Sous-ta-façade-VFinale-FR.pdf

5https://observatoireprevention.org/2017/05/03/lisolement-social-important-facteur-de-risque-de-mortalite-prematuree/

6https://cmha.ca/fr/documents/le-soutien-social

7https://www.aqps.info/besoin-aide-urgente/liste-centres-prevention-suicide.html

8http://www.qc.211.ca

9https://www.usherbrooke.ca/etudiants/sante-et-aide-a-la-personne/

10https://www.aide.ulaval.ca/psychologie/presentation/

11http://www.sae.umontreal.ca

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